Artension Juillet-août 2014 – N°126
Popay place le vivant, sous toutes ses
formes, comme centre d’intérêt et source
de son travail. Le corps dans son ensemble
(physique et social) et la cellule, les flux
organiques et aussi le mouvement, le sen-
timent. L’artiste comme l’œuvre vibrionne.
En expédition pour Wood Stock, un atelier
collectif dans une friche industrielle du bas
Montreuil où il travaille dans un amoncel-
lement d’œuvres mais aussi de décom-
bres, ce créateur bohème et prolifique
explique sa démarche : « Je veux mélan-
ger réalisme et fantastique. Je ne me
donne pas de limites ».
Woodstock, référence à Jimi Hendrix,
guitariste qu’il affectionne.
Bon dessinateur et peintre talentueux,
voilà bientôt 30 ans qu’il fait des riffs élec-
trisant l’œil et déclenchant l’imagination, à
la bombe aérosol, pinceau, crayon ou
encore palette graphique. Adolescent, il
débute par du pochoir et du writing,
inspiré par Speedy Graphito entres autres,
Gros yeux – vers 2013 – Acrylique sur toile
puis, de crews en squats, dans une vie par-
fois périlleuse, vient le graffiti, dans les ter-
rains vagues de Belleville et d’ailleurs.
Avec son style luxuriant haut en couleurs,
Popay est devenu un des plus importants
noms du Street art français.
Faux autodidacte, puisqu’il suivit en douce
les cours des Beaux-arts, cultivé, Popay a
su aussi développer une œuvre destinée
au marché. Outre ses dessins qui, comme
un cabinet de curiosités, sont autant de
planches représentant des humains
caricaturés ou mutants, ses peintures sur
toile montrent combien c’est un créateur
d’univers.
Outre les portraits, les têtes toutes en
front, nez, yeux et dents, saturés de cou-
leurs sourdes ou vives selon, toutes les
pièces sur toiles sont conçues par l’agglu-
tination. Parfois, par l’hallucination.
Figures, personnages, scènes urbaines ou
non, voitures, immeubles ou végétation
mais aussi réseaux, globules, masses mou-
vantes… Les détails fourmillent et les per-
ceptions sont multiples. L’œuvre est com-
posite comme le sont les références, les
influences de ce catalan d’origine.
Picasso donc, la statuaire classique et
moderne, la peinture du Caravage, de
Goya ou de Klimt, l’art africain… Il a aussi
digéré l’illustration psychédélique des
années 1970, l’underground américain puis
français des années suivantes, le dessin
mordant, de Grandville surtout, la BD à la
ligne pas très claire de Liberatore, de
Crumb, le trait terrifiant de Giger.
Et il y a surtout la Figuration Libre des
années 1980. Popay a revisité tout cela,
mixé à sa sauce, inimitable. Dans ces
pièces il y a du sens, celui de la désorien-
tation, du récit, toujours « à suivre », et une
étonnante technique.
Fraicheur et spontanéité. Attention aux
émotions, entre humour noir et joie de
survivre.
Artension Juillet-août 2014 – N°126